LES PAROLES… ET LES FAITS (suite)

La prison doit donc simplement être détruite !

Mais si l’expérience de plus de deux siècles parle clairement de la faillite totale de la prison, c’est surtout la critique de masse contre celle-ci qui permet d’imaginer son dépassement concret même dans la configuration sociale actuelle.
Faire confiance au bon cœur « abolitionniste » des institutions est inutile et naïf, au moins autant que de reléguer sa propre opposition à la prison en un « immobilisme extrémiste » qui se défile de cet indispensable travail quotidien qui sur le binôme marginalisation/prison peut et doit construire lutte/organisation/conscience, aussi bien dedans que hors de la prison.
La population carcérale cherche à conquérir de petites réformes immédiates à travers sa mobilisation directe et en cherchant l’unité avec les luttes sociales à l’extérieur. Elles ont pour nous le but de contribuer à créer les conditions pour que l’entièreté de la société réussisse à fonder le rapport entre le délit et la peine sur quelque chose qui ne soit pas la réclusion. Sur le plan historique, nous pensons en revanche que seul un arrangement social complètement différent de l’actuel pourra changer tous les instruments et les concepts mêmes de la répression.
C’est donc avec cette finalité, immédiate et à long terme, qu’il faut recueillir et développer les meilleures énergies et intelligences qui émergent périodiquement des petites luttes en prison. Surtout maintenant que prend fin la longue période de « bruyant silence », pendant laquelle même les meilleures intelligences détenues ont subi passivement « l’infantilisation » que produit la prison.
Œuvrant en ce sens, nous qui vivons quotidiennement les limites physiques et les humiliations imposées par la réclusion, avons construit et organisé une expérience autonome à caractère culturel et revendicatif, qui est déjà approuvée par plus de 530 détenus.
Cette expérience porte le nom caractéristique de « Papillon », référence à sa claire opposition à la prison et à cette comédie démagogique appelée « observation scientifique de la personnalité », qui n’est rien d’autre que l’exercice continuel d’un chantage arrogant sur le corps et la dignité des hommes et des femmes détenues. C’est surtout une comédie tragique exercée à l’encontre des personnes les plus faibles, malades ou étrangères par exemple, et contre les détenus hommes et femmes qui tiennent à leur dignité et refusent toute « tutelle clientéliste » et « cogestion corporative » avec le manège multicolore de ceux qui prétendent à différents titres « rééduquer par l’enfermement ».
Nous nous adressons donc aux camarades et aux jeunes des quartiers populaires des grandes villes, parce que nous voulons raisonner ensemble sur « quoi faire » pour affronter politiquement, de manière efficace, la spirale marginalisation/toxicomanie/prison, en construisant sur ce sujet des luttes de masse et de larges structures pour une activité de classe.
Nous sommes sûrs que tous ensemble nous réussirons petit à petit à mettre sur pied toutes les initiatives nécessaires pour associer y compris « les derniers des derniers » aux luttes économiques et politiques des masses populaires.
C’est dans cet état d’esprit que nous vous embrassons très fort, en souhaitant connaître au plus vite vos opinions et propositions.